SUD OUEST | Denis Maillard 2007/11/11
Kouchner versus Brauman
L'affaire de L'Arche de Zoé a d'ailleurs déclenché une polémique entre le ministre des Affaires étrangères et Rony Brauman, l'ancien président de MSF (Médecins sans frontières).
Cette polémique «entre humanitaires» n'est compréhensible qu'en remontant à la source des deux visions de l'action d'urgence en conflit depuis les années 1970.
D'un côté, celle de Bernard Kouchner et sa «loi du tapage médiatique». Pour lui, la fonction première de l'humanitaire est de témoigner afin d'empêcher les tyrans d'assassiner les peuples à l'ombre de leurs frontières. Le soin est secondaire, symbolique même. On voit bien la filiation possible avec L'Arche de Zoé: on passe les frontières clandestinement, on alerte, on agit sans que quiconque nous «commette». Pour Kouchner, cependant, ce sont les Etats qui doivent se charger de ce fameux «droit d'ingérence». A terme, l'humanitaire et les droits de l'homme ne doivent plus être l'affaire des ONG mais de l'Etat.
Il faut dire qu'au droit d'ingérence MSF préfère les conventions de Genève qui ont donné naissance à la Croix-Rouge et organisent encore aujourd'hui les modalités d'action des secouristes. Au Darfour, MSF estime que l'humanitaire consiste plus en une négociation des conditions concrètes de l'aide qu'en une dénonciation des violations des droits de l'homme.
(...) alors que toute crise humanitaire est avant tout un événement politique, c'est la politique elle-même qui se mue, sous nos yeux, en spectacle humanitaire: l'homme politique de conviction se doit désormais d'être un homme de compassion. La politique ne serait-elle plus qu'une forme d'action humanitaire par d'autres moyens? Méfions-nous pourtant, il n'y a jamais de solution humanitaire aux problèmes humanitaires. Uniquement des solutions politiques.