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L´HUMANITÉ | Yves Housson, Clotilde Mathieu 2008/1/29

Finance : les rouages d'une dérive annoncée

(...) Depuis la révélation de l'affaire de la Société générale, les commentaires vont bon train sur le thème d'un capitalisme «fou», sorte de monstre anonyme. Thèse commode, permettant de masquer les mécanismes qui sont à l'oeuvre dans la finance mondialisée. C'est sur un marché très spécifique, hautement spéculatif, que le jeune trader Jérôme Kerviel a réalisé ses exploits. Le marché des produits dérivés a connu un essor spectaculaire à partir des années 1970, modifiant sensiblement la vocation première des banques. Une sphère financière déconnectée de l'économie réelle, ou plutôt prospérant au détriment de celle-ci. Alors que la richesse mondiale s'élevait en 2002 à 32 300 milliards de dollars, les transactions des marchés dérivés se montaient, elles, à près de 700.000 milliards de dollars...

(...) En France, la loi bancaire du 24 janvier 1984 assouplit puis supprime l'encadrement du crédit. Cette transformation du système financier induit deux évolutions fondamentales. Une «titrisation de l'économie»: la collecte de moyens financiers se fait de plus en plus au travers de la création de titres négociables (actions, obligations, billets de trésorerie...). Une globalisation financière qui traduit l'intégration rapide des marchés tant au niveau national qu'international. Ces mutations, qui touchent le système financier français au milieu des années quatre-vingt, concernent de la même manière les autres pays développés.

Les produits dérivés ont enregistré une croissance nettement plus rapide que celle de l'ensemble de l'activité bancaire et leur contribution aux résultats net des banques représente environ le tiers de ceux-ci.

Dès le début du phénomène, dans les années quatre-vingt, sous l'effet des politiques de privatisation, de déréglementation des marchés, les chantres du libéralisme assuraient, la main sur le coeur, que ce serait tout bénéfice pour l'économie, qui y trouverait matière à mieux se financer et donc à se développer. Vision idyllique, sévèrement démentie par les faits. Le divorce entre les intérêts des marchés financiers et ceux de l'économie réelle (et donc de l'emploi, de la satisfaction des besoins sociaux) apparaît sans cesse plus flagrant. (...) Décrocher un crédit pour un projet industriel relève, en particulier pour les PME, du parcours du combattant.

Si elle relance le débat sur les moyens de réguler la mondialisation financière, l'affaire de la Société générale souligne aussi le besoin, en France et en Europe, d'une autre politique du crédit, réellement dédiée au développement économique et de l'emploi, avec la création des instruments publics nécessaires.

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