Allande Socarros Journaliste
Un an de plus d'une question sans réponse
Je ne saurais parler de la disparition de Popo, il y a un quart de siècle, sans m'inquiéter de celle, récente, de Jon Anza. Ici encore, il ne faudrait pas que les sinistres ombres du passé, peuplées de terroristes d'État, de barbouzes policières, de nervis de tout acabit et de mercenaires sans foi ni loi, viennent à nouveau hanter la mémoire douloureuse d'un peuple en quête de ses simples droits. «Non da Popo?» et «Non da Jon?» sont un seul et même cri
Un an! Un an déjà, depuis cette soirée du 7 août 2008 à Heleta, si digne et empreinte d'émotion, qui rappela aux mémoires défaillantes qu'une blessure impossible à cicatriser perdurait alors depuis 25 ans: la disparition de Jean-Louis Popo Larre à la suite de l'affrontement du camping de Léon (7 août 1983).
L'optimiste invétéré que je suis doit malheureusement en convenir: les mémoires un temps ravivées sont retombées dans la léthargie... Ainsi, sur ce blog créé spécialement pour lutter contre l'oubli, pour mobiliser les consciences, pour briser la chape de silence, et à la fin des fins pour concourir à retrouver la trace de Popo... rien ne bouge depuis un an! Et pourtant ce n'est pas faute que l'administrateur ait essayé, à bien des reprises, de bousculer les immobilismes, d'en appeler au simple geste de faire écho de site en site, de blog en blog, de forum en forum au rappel de cette volonté de savoir enfin où est Popo, «Non da Popo?». La dernière contribution date du 8 août 2008 qui relate en texte et reportages photos, vidéos et sons l'hommage qui s'était déroulé à Heleta et qui avait réchauffé bien des coeurs, soulevé bien des émotions. Oui, mais voilà, tout est là justement: l'émotion ne fait pas l'action...
De l'ambiguïté... aux remugles du passé. Il y a bien un commentaire signé «Monik», en date du 3 décembre 2008, qui -on me pardonnera d'être une peu «raide» dans mon propos-, ne fait certainement pas «avancer le schmilblick» et, tout au contraire, donne dans l'ambiguïté lorsqu'il y est écrit: «Je ne crois pas (ce n'est que mon avis!) que des réponses seront données [concernant la disparition de Popo] par le biais de l'organisation IK qui est impliquée dans cette affaire. Il me semble que ce dossier devrait être relayé par sa famille, pour laisser l'humanité prendre le pas, loin de toute connotation politique (...)».
Je préfère penser que la tournure «[IK] est impliquée dans cette affaire» veut seulement dire que si Popo a disparu, il y a maintenant 26 ans, cela avait à voir avec son engagement politique mûrement réfléchi -car on ne rejoint certainement pas la lutte clandestine sur un coup de tête...- et que cette formule ne porte pas en elle le remugle d'insinuations insupportables qui furent colportées en leur temps. Quand à «laisser l'humanité prendre le pas, loin de toute connotation politique», je mettrais cela sur le compte d'un angélisme éloigné des réalités et peu au fait des situations vécues hier comme aujourd'hui en Pays Basque. Car si Popo a disparu, c'est bien dans un contexte politique et si on apprend demain la vérité ce sera qu'un autre contexte politique aura permis que cela survienne enfin.
Il y eut aussi un autre commentaire auquel on se saurait accorder par contre aucun caractère d'innocence celui écrit sous le pseudonyme de «Isnomis» et publié le 10 octobre 2008. Le dit (la dite) «Isnosis» souhaite lui (elle) que Popo soit retrouvé un jour «pour qu'il soit jugé» et conclut: «Je ne souhaite pas sa mort, bien au contraire. Il attend [Popo] très patiemment le délai de trente ans, délai de prescription en matière de crimes» (sic !). Et il ne s'est trouvé personne -pas même moi, je dois bien l'avouer...- pour apporter la contradiction à de telles inepties!... Car Popo, s'il avait été arrêté ce dramatique 7 août 1983, n'aurait certainement pas été jugé pour «crime», mais au pire pour «complicité de crime»... vu qu'il n'avait pas été impliqué dans la fusillade! Ce fait aurait été avéré par de nombreux témoins de l'affrontement... du moins peut-on l'espérer.
Donc «Isnosis» donne, au mieux, dans la sottise frappée au coin de l'ignorance ou, au pire, tente de semer le trouble dans les esprits, comme dans les semaines et les mois qui suivirent les «événements de Léon» ou une ambiance délétère régna, abondamment alimentée par moult rumeurs, accusations ignominieuses, supputations abjectes, fausses informations et vaines pistes. Un marigot nauséabond où se vautrèrent acteurs policiers, officines politiques de l'ombre, journalistes consciemment ou inconsciemment manipulés, personnes crédules et «anti IK» de tout bord.
Je ne voudrais pas croire que la relance en feu de paille -en tout cas pour le volet médiatique- de la quête de vérité sur la disparition de Popo ait pu inquiéter certains milieux, au point de vouloir aussi faire repartir la machine infernale du mensonge insidieux, distillé tel un poison dans le corps social.
Faire prévaloir la simple humanité. Je ne me résoudrai jamais à admettre que la question simplement humaine «Non da Popo?» posée à nouveau il y a un an puisse rester sans réponse. Il faut dire et redire, inlassablement, que derrière cette interrogation il n'y a ni recherche de coupables, ni demande de comptes, encore moins quelque velléité de vengeance que ce soit. Il n'y a que la volonté, comme je l'écrivais il y a un an, de faire en sorte que «la famille de Popo puisse trouver enfin la paix et, aussi, que ceux qui furent ses camarades d'une lutte ô combien dure puissent tourner cette page-là». Un an plus tard, j'emprunterai les mêmes mots, pour émettre le même espoir, celui que «quelqu'un, en son âme et conscience, brisera un jour le silence et fournira des informations, réelles celles-là, pour retrouver la trace de Jean-Louis Larre». Car, pour me répéter encore, Popo est bien quelque part et il se trouve forcément quelqu'un qui sait quelque chose.
Je me doute bien que les motifs qui ont conduit à l'instauration de la chape de silence il y a 26 ans restent d'actualité pour ceux qui ont pu être les acteurs directs ou indirects de cette douloureuse affaire. Mais je voudrais penser que des considérations de simple humanité vont finir par prévaloir et qu'une information -peut importe la route qu'elle empruntera pour parvenir à bonne destination- viendra apporter un éclairage décisif, pour -enfin- dissiper les ténèbres.
Il est bien entendu que je suis disposé à être un de ces destinataires. Ce n'est pas faire de l'humour mal placé que de préciser que mon existence n'étant en rien clandestine, on sait où me trouver et comment me joindre. Je conclurai en souhaitant ô combien ne pas avoir à revenir dans un an poser encore cette question: «Non da Popo?».
NB: Je ne saurais parler de la disparition de Popo, il y a un quart de siècle, sans m'inquiéter de celle, récente, de Jon Anza. Ici encore, il ne faudrait pas que les ombres sinistres du passé, peuplées de terroristes d'État, de barbouzes policières, de nervis de tout acabit et de mercenaires sans foi ni loi, viennent à nouveau hanter la mémoire douloureuse d'un peuple en quête de ses simples droits. «Non da Popo?» et «Non da Jon?» sont un seul et même cri.
© Article original publié dans le blog http://nun-da-popo.hautetfort.com