Éditorial 2009/11/17
À contresens de l'histoire
SUD OUEST
«On ne réforme pas la France contre les élus locaux». Ainsi Nicolas Sarkozy concluait-il en 2007 son discours devant le congrès de l'Association des maires de France. Deux ans plus tard, le candidat Sarkozy, devenu président de la République, a choisi de ne pas s'adresser aux élus locaux aujourd'hui à Paris, préférant recevoir en fin de semaine à l'Élysée des représentants d'associations nationales et départementales et éviter ainsi un gros chahut. Car c'est un vent de fronde sans précédent qui souffle dans les communes, départements et régions de France. Une indignation profonde l'attise: celle de voir stoppé l'élan pris par la démocratie locale.
En trente ans, la France a considérablement changé. Depuis 1981, à mesure qu'il s'est appauvri, l'État a confié une grande part du destin du pays aux collectivités locales et territoriales. Et qu'en resterait-il sans leur intervention grandissante dans tous les interstices de notre vie quotidienne? La question ne fait plus vraiment débat, et pourtant le projet de réforme gouvernemental semble procéder d'une méconnaissance de l'état réel de la France et de sur quoi repose son dynamisme. Il y a grand risque aujourd'hui que s'installe une profonde fracture entre un désir toujours plus fort d'autonomie locale et une volonté très parisienne de recentralisation désuète.
Non pas qu'une clarification des pouvoirs et des mécanismes de décisions publiques soit vaine. Mais promouvoir un mode de scrutin d'inspiration coloniale, affaiblir les maigres ressources de la fiscalité locale et préparer la suppression des Départements sans définir réellement de nouvel échelon local, c'est beaucoup à la fois. Trop, sans doute, puisque cela ressemble à une marche forcée contre le sens de l'histoire. On peut certainement trouver caricature dans la politique locale. Ses féodalités, son clientélisme et ses roueries. (...) en matière de train de vie, l'État n'a de leçons à donner à personne. Et quand il réclame aujourd'hui 3 milliards aux habitants du Grand Sud-Ouest pour obtenir des trains à grande vitesse, son premier devoir n'est-il pas de les remercier de leur générosité au lieu de donner l'impression de prendre tout ce petit monde de bien haut?